SPRING
En 2021, j’ai décidé de participer à des concours d’orchestration pour musique de film. La composition de musique de film est un peu différente de celle des chansons en général. On ne sert pas sa propre vision artistique mais celle d’un réalisateur et de ses besoins pour raconter son histoire. C’est donc un processus créatif qui s’appuie avant tout sur des contraintes qu’il faut résoudre. Ma pratique musicale a toujours été tournée presque essentiellement autour de la composition, mais je n’avais encore jamais essayé de mettre des images en musique. Il fallait donc que j’abandonne mes habitudes de compositions, tournées essentiellement sur l’intuition et un liberté presque infinie.
Score Relief est une compétition ouverte à tous, visant à récolter des fonds pour des œuvres caritatives. La compétition a lieu en début d’année et les participations sont nombreuses. Score Relief est une initiative de The CueTube, une plateforme qui met en relation compositeur et réalisateur. Cette plateforme met à disposition de nombreuses vidéos à mettre en musique pour permettre aux compositeurs de se créer un portfolio.
L’objectif du concours était de produire la musique à l’écran de Spring, une animation produite par la fondation Blender (un logiciel de 3D open source) dans le but de faire leur promotion. Le tout devait être composé pour un orchestre de chambre. Le vainqueur a vu sa composition reproduite par l’orchestre de Manchester. Le jury portait son attention sur la qualité et fidélité de la composition par rapport aux émotions dépeintes et le mixage.
Il me fallait donc un orchestre à disposition. Travailler avec de vrais musiciens aurait demandé un budget énorme, car cela demande de mobiliser longtemps beaucoup de monde dans un grand studio. C’est pourquoi la plupart des compositeurs sont des gens avec un très grand background théorique, mais l’invention des samplers a permis de changer la donne. On peut maintenant enregistrer toutes les notes d’un instrument et les reporter sur un clavier. Malheureusement, la plupart des samplers ont un son très synthétique et il est facile de comprendre qu’il ne s’agit pas d’un vrai orchestre. Puis, j’ai découvert Spitfire Audio, une firme anglaise qui produit parmi les meilleurs samplers d’orchestre. J’ai investi dans le BBC Symphony Orchestra que je recommande vivement.
J’ai découvert le concours en dernière minute. Je n’ai disposé que des 3 derniers jours avant la remise pour y participer. De plus, cela ne faisait qu’un mois que je m’étais mis à la musique orchestrale. J’ai donc dû faire des choix pour rendre quelque chose de qualitatif en peu de temps. Le premier a été d’abandonner l’idée de faire des aller-retour au fur et à mesure de la composition. Le deuxième a été définir les étapes : trouver un thème, trouver une suite d’accords sur l’ensemble de l’animation, choisir le tempo et ses variations, créer les arrangements et enfin mixer.
Mon objectif premier a été de produire un thème qui puisse correspondre à l’animation. Ce dernier devait pouvoir rester en tête, être enfantin et adapté au sentiment de mystère et d’aventure présent dans l’histoire.
Le premier jour, j’ai réussi à dégager un thème que j’ai décliné en deux versions. Une fois le thème fixé, j’ai cherché à adapter une gamme qui puisse correspondre au thème et au bruitage présent dans la bande son existante. C’est sur cette gamme que je me suis ensuite basé pour construire ma suite d’accord.
Le deuxième jour, j’ai pris le temps de définir un tempo pour caler le rythme avec les moments clés (L’ouverture du titre, le coup de bâton, la chute de l’arbre et le sauvetage in extremis). Il varie par segment de tempo constant tout du long. Je n’ai jamais recours à des accélérations ou des ralentissement, ce qui peut être une bonne technique pour rajouter de l’emphase.
Le dernier jour n’a servi qu’au mixage. J’ai pris le parti de rendre ma composition avant l’heure de rendu car j’estime que le temps mort qui se trouve entre les deux peut-être porteur de mauvais conseils. Si le temps manque, l’intuition est toujours le meilleur conseiller. Il ne faut donc pas se donner l’occasion de trop réfléchir. Je suis en train de refaire le mixage, il fera l’objet d’un article à venir.